C'est exactement la stratégie de ces dirigeants de pacotille depuis des décennies : détricoter le secteur public pour mieux justifier des rustines issues du secteur privé qui acquiert au passage un pouvoir croissant sur des décisions qui devraient relever de nos institutions démocratiques. Je ne me résigne pas à accepter qu'on laisse faire.
Quant aux benchmark, effectivement on parle de taux d’erreur entre 1% et 3% dans le cas des RAG.
Source?
La dernières newsletter de Benoit Raphael citait ce chiffre sans le sourcer. Mais peut être l'avait il obtenu par une IA qui l'aura trouvé plausible :-p
Ce qu’on demande en l’occurrence, c’est d’avoir un taux d’erreur inférieur au taux humain. Ce qui me semble extrêmement atteignable vu le niveau des policiers.
Il ne s'agit pas d'avoir une police parfaite, mais d'agir pour relever le niveau plutôt que dilapider l'argent public en surveillance vidéo algorithmique et équipements et formation de répression ultra-violente. L'état de la police française, tout comme celui de l'hôpital ou de l'école, on le doit aux politiques qui décennie après décennies ont discrédité les services publics pour justifier de leur retirer les moyens de travailler et l'autonomie d'action nécessaire.
Même pour éclairer les décisions, on glorifie (et on arrose) les cabinets de conseils plutôt que de s'appuyer sur l'expertise de nos chercheurs. Il faut dire qu'à l'Université, on est aujourd'hui trop occupés à répondre à des appels à projet afin de trouver l'argent nécessaire pour faire notre métier... Donc comme ailleurs, au final, des IA feraient sans doute aussi bien.
Il n'est écrit nulle part que cette voie soit la seule possible. Comment peut-on penser qu'il s'agirait aujourd'hui de choisir entre IA et notre police actuelle, comme s'il n'y avait pas d'autres possibilités ? Comme je l'écrivais il y a quelques mois, Présenter l’IA comme une évidence, c’est empêcher de réfléchir le numérique. Il est urgent de réaliser que la technique doit être débattue sur un plan politique, qu'elle ne va pas de soi et que nous n'avons pas à accepter benoitement les prophéties auto-réalisatrices des milliardaires technophiles qui fournissent les éléments de langages à nos dirigeants.
A rapprocher de cette info la veille : https://lemmy.world/post/21935054
Ce proche de Gabriel Attal ambitionne notamment de développer un outil, un chat GPT à la française, à destination des services de l’État pour accélérer les procédures et décharger les agents des tâches les plus rébarbatives, les moins valorisantes, leur débloquer du temps “pour être encore plus au contact du public”, défend son entourage.
Parmi les pistes, ses équipes imaginent très concrètement de faciliter le partage des dossiers médicaux entre plusieurs hôpitaux. Aujourd’hui des établissements utilisent encore le fax ! Autre idée : faciliter le dépôt de plainte auprès des forces de l’ordre, qui ne dépendent pas directement du ministère de la Fonction publique. Cette intelligence artificielle pourrait enregistrer notre témoignage pour le retranscrire bien plus rapidement que quand un policier est obligé de tout taper à la main. Dans la justice aussi, l’outil pourrait résumer en quelques minutes un dossier long comme le bras.
Sachant que l'idée des transcriptions automatiques des plaintes était déjà brandie par Xavier Niel un mois plus tôt au micro de France Inter : https://youtu.be/H8x-pIGbhOQ?feature=shared&t=817
Nous aussi, nous avons nos milliardaires avec des lignes directes vers les dirigeants politiques.
Et pendant que le ministre de la Fonction Publique lèche les bottes de Elon Musk, l'opposition réagit... Sur X.
Le désastre total dont on parle est le résultat de décennies de détricotage des services publics. Dans la bouche du ministre de la Fonction Publique, la technique n'est qu'un cache-misère qui sert à justifier davantage encore de désengagement de l’État. Il entretient l'idée mensongère d'un solutionnisme technologique qui prétend résoudre tous nos maux à coups de techniques immatures et promues par des gens sans scrupules qui raisonnent en termes de ROI sur leurs investissements financiers.
On pouvait déjà permettre le dépôt de plainte sans passer par le commissariat avec les techniques existantes. Les LLM n'y changent rien et ce n'est pas ce dont parlent le ministre ou Xavier Niel. Leur propos est d'imaginer un gain de temps (et de productivité) si l'on transcrit automatiquement ce que disent les plaignants, au lieu de rédiger soi-même. Or les IA ne peuvent pas remplacer la nécessité d'accueillir les victimes, de les écouter, de les aider à exprimer et formuler ce qu'elles ont vécu et de les orienter dans la recherche d'une réparation. C'est d'ailleurs la promesse : être plus au contact du public. Ces gens qui se croient géniaux n'ont sans doute jamais conduits, transcrits ou analysés d'entretiens de leur vie : d'abord un entretien ne fonctionne pas sans un interlocuteur compétent ; ensuite les IA de transcription font beaucoup de coquilles, il faut repasser derrière ; enfin la parole orale est bien plus difficile à analyser et interpréter qu'une déclaration rédigée pour formaliser un témoignage.
Tant mieux si l'on équipe les fonctionnaires d'outils éprouvés pour comprendre une victime dans sa langue maternelle. On pourrait tout de même regretter que cela prenne la place des interprètes qui savent traduire bien au-delà des mots. Quoiqu'il en soit, cela ne dispensera pas de former à l'écoute et à la législation. Pour le reste, si le propos est d'accepter que les fonctionnaires de police puissent être analphabètes, ce n'est pas un progrès. Comme le développait récemment Morozov pour Le Monde Diplomatique, tant qu'on concevra l'IA comme un moyen d'augmenter des individus diminués, on passera complètement à côté. Ces techniques pourraient sans doute être conçues et mises en œuvre pour nous améliorer, mais ce n'est pas ce dont on nous parle ici.
Quant aux benchmark, effectivement on parle de taux d'erreur entre 1% et 3% dans le cas des RAG. Dans bien des applications, un tel taux reste trop important. Par ailleurs, tant que les utilisateurs ne comprendront pas le fonctionnement de ces outils et croiront dialoguer avec une entité intelligente, ils seront incapables d'évaluer la pertinence de la réponse à un prompt. Savoir que le LLM ne traite que le texte, ne sait pas forcément traiter des données tabulaires et encore moins des données présentées sous forme de graphique (format image) est indispensable. Quand bien même, sans expertise sur ce qu'on lui demande de produire, on se contente d'un rapport magique à la technique, on ne peut pas discerner les réponses correctes de celles qui ne sont que plausibles. Or avec l'expertise nécessaire, l'IA n'apporte pas forcément de gros gains de productivité... A supposer qu'être plus productif soit souhaitable si cela signifie s'épuiser en multipliant encore les tâches et la quantité d'information à traiter au quotidien.
Xaviel Niel avait justement avancé cette idée de la transcription automatique des plaintes lors d'une interview sur France Inter le 1er octobre : https://youtu.be/H8x-pIGbhOQ?feature=shared&t=817
Comme si déposer une plainte n'était qu'affaire d'enregistrer par écrit tout ce qu'on dit, tel qu'on le dit. Comme si la transcription automatique était tellement au point qu'elle ne faisait jamais de faute, surtout face à des accents divers et variés. Comme s'il ne fallait pas un minimum de compétence et d'écoute pour recueillir les informations nécessaires auprès du ou de la plaignante. Comme si on pouvait se passer de traduire son témoignage avec justesse et esprit de synthèse, tout en obtenant sa validation de cette traduction.
Mais c'est sûr que former les fonctionnaires de police à la conduite d'un tel entretien est couteux, et qu'on part de loin. Alors comme dans tous les services publics exsangues, on va nous dire qu'après-tout une IA fera sans doute mieux pour moins cher.
Et puis c'est pratique de résumer automatiquement des dossiers longs comme le bras. C'est sûr que si des êtres humains ont pris la peine de les constituer, c'est certainement pour qu'une IA les résume sans âme ni conscience et en inventant potentiellement des choses qui n'y sont pas. D'après un benchmark d'OpenAI, aucun modèle ne produit de résultats factuellement corrects plus d'une fois sur deux.
Donc c'est ça l'élite de la Nation : un ministre de la fonction publique sorti d'une prestigieuse école de commerce qui reprend les idées d'un homme d'affaire milliardaire, tous deux convaincus par le narratif qui veut que l'IA dominera le monde et qu'il vaut mieux en être quand bien même on sait qu'il n'y a pas les ressources sur Terre pour soutenir un tel déploiement de ces techniques.
L'objectif - affiché - de Guillaume Kasbarian : développer de nouveaux outils pour faciliter la vie des fonctionnaires et des usagers, et ne pas être à la traîne des autres administrations européennes.
> Ce proche de Gabriel Attal ambitionne notamment de développer un outil, un chat GPT à la française, à destination des services de l'État pour accélérer les procédures et décharger les agents des tâches les plus rébarbatives, les moins valorisantes, leur débloquer du temps "pour être encore plus au contact du public", défend son entourage. > > Parmi les pistes, ses équipes imaginent très concrètement de faciliter le partage des dossiers médicaux entre plusieurs hôpitaux. Aujourd'hui des établissements utilisent encore le fax ! Autre idée : faciliter le dépôt de plainte auprès des forces de l'ordre, qui ne dépendent pas directement du ministère de la Fonction publique. Cette intelligence artificielle pourrait enregistrer notre témoignage pour le retranscrire bien plus rapidement que quand un policier est obligé de tout taper à la main. Dans la justice aussi, l'outil pourrait résumer en quelques minutes un dossier long comme le bras.
Crédit agricole, Société générale et BNP Paribas ont un impact social, environnemental et fiscal plus négatif que les autres. Notre étude exclusive.
On retrouve le profil des "Smart-Climato-complot" de l'enquête de Parlons Climat sur les climatosceptiques en France :
Tout comme dans les cortèges britanniques ou aux USA, ces mâles alpha bousculés dans leurs valeurs sont accompagnés par des hommes plus jeunes (moins de 35 ans) et plus politisés.
Je relève que les 45-64 ans sont les seuls à avoir voté en majorité pour Trump. Or, il s’agit de la même classe d’âge que les émeutiers racistes qui s’étaient illustrés au Royaume Uni il y à quelques mois sous l’influence de la désinformation : https://theconversation.com/pourquoi-tant-de-quadras-et-de-quinquas-parmi-les-emeutiers-au-royaume-uni-236352
Comme en 2020, le camp démocrate a recueilli les voix des femmes et des électeurs noirs, tandis que Donald Trump se démarque chez les hommes et les moins diplômés. Le président élu a également marqué des points importants au sein de la communauté hispanique.
Oups, toutes mes excuses. Merci pour ce rappel.
Comme le souligne mon commentaire, il y a certainement un "sujet" qui dépasse les frontières et devrait nous préoccuper tout autant à l'échelle franco-française. Mais effectivement, ce n'est pas l'objet de l'article cité.
Je relève que les 45-64 ans sont les seuls à avoir voté en majorité pour Trump. Or, il s'agit de la même classe d'âge que les émeutiers racistes qui s'étaient illustrés au Royaume Uni il y à quelques mois sous l'influence de la désinformation : https://theconversation.com/pourquoi-tant-de-quadras-et-de-quinquas-parmi-les-emeutiers-au-royaume-uni-236352
Les cyclistes ont encore bien d’autres caractéristiques particulières qui engendrent des comportements spécifiques :
- N’ayant pas de carrosserie, ils savent qu’ils sont vulnérables.
- Ils se déplacent à la force de leurs muscles, ce qui les amène à économiser sans cesse leurs efforts, en s’arrêtant le moins possible et en évitant les détours et les pentes.
- N’ayant pas de montants de toit qui masquent la visibilité ni d’habitacle qui étouffe les bruits de la rue, ils détectent facilement les véhicules en approche sans avoir besoin de s’arrêter complètement.
- Leur gabarit étant réduit, ils se faufilent aisément dans le trafic, mais pour trouver leur équilibre, ils peuvent zigzaguer lors du démarrage ou en gravissant une côte.
Le code de la route est encore très en retard dans la prise en compte de toutes ces spécificités.
Ça fait du bien de le lire. Il y a quelques temps, par un calme dimanche après-midi, une fourgonnette de police m'a interpelé avec les gyrophares pour me reprocher de ne pas avoir masqué un stop à vélo, d'autant plus que j'étais avec mes enfants et que c'était un très mauvais exemple. Pourtant, à l'allure à laquelle j'approchais du stop en question et compte tenu de la visibilité juché sur mon vélo, il n'y avait aucune nécessité de m'arrêter. Rien à voir avec un automobiliste qui couperait la route de la voie prioritaire le temps d'avoir le temps de voir si quelque-chose arrive. Et puis redémarrer te met à la merci du chauffard qui arriverait trop rapidement.
D'ailleurs, l'auteur suggère en fin d'article :
- Tous les stops et tous les feux devraient pouvoir être considérés par les cyclistes comme des cédez-le-passage.
J'ai ajouté cette citation au post initial, sans cette précisions le titre est en effet trop généralisant :
Pendant 30 heures, le comportement de 9 000 véhicules a été observé dans cinq grandes villes : Paris, Lyon, Montpellier, Rennes et Metz
Vu le nombre d'automobiles qui sillonnent nos villes, 1/20 danger public c'est colossal. Effectivement, l'étude se concentre sur des observations dans des grandes villes : ce n'est pas représentatif de ce qui se passe sur les routes nationales ou les autoroutes par exemple. En revanche, pour ce qui concerne la cohabitation avec les piétons et les cyclistes c'est assez éclairant.
J'ai été surpris qu'à Metz ils aient surtout relevé des problèmes de distances de sécurité. Là où je circule, je vois énormément de feux grillés... Et pas mal de conducteurs qui appuient sur le champignon à la moindre ligne droite.
Une étude menée par OpinionWay et révélée, jeudi, par France Inter et Le Parisien, indique que griller un feu rouge est le comportement à risque le plus fréquent.
En lisant le déroulement de l'altercation, je n'ai pas pu m'empêcher de me rappeler une situation similaire vécue il y a quelques années.
Mon épouse et moi descendions une ruelle étroite du centre-ville de Metz. Je poussais la poussette de notre fille encore bébé. Une voiture était mal stationnée sur le trottoir et celui d'en face était saturé de véhicules également. A l'approche des fêtes, la circulation était dense. N'ayant pas d'autre possibilité, je me suis engagé sur la route. L'automobiliste derrière moi n'a pas apprécié et a accéléré bruyamment en passant à quelques centimètre de moi.
Tout comme le cycliste décédé cette semaine, j'ai frappé de colère sur le toit de son véhicule. Le type s'est arrêté pour descendre et venir me menacer, son visage collé au mien. En mon fort intérieur, j'étais prêt à me faire casser la gueule sous les yeux de tous les témoins pour que ce type prenne cher. Je pense qu'il l'a compris à mon regard, il a lâché l'affaire : ce type d'individu ne comprend que ce langage.
Si j'avais été seul, sans témoins, ou si j'avais semblé plus vulnérable (au hasard, si j'étais une femme ou simplement un peu plus gringalet), j'aurais simplement dû subir sans réagir. Dans toutes les affaires de violences, je suis mal à l'aise qu'on se focalise sur le genre des victimes : le problème c'est la violence viriliste, l'abus de pouvoir, d'où qu'elle vienne. Le fait que ce soit surtout l'apanage des hommes devrait nous inciter à valoriser d'autres comportements chez toutes et tous, plutôt qu'à encourager les femmes à suivre l'exemple des "femmes fortes" ou des "femmes de pouvoir" qui ne font que reproduire le modèle viriliste.
« Dans 64% des cas ce sont des hommes qui adoptent des comportements à risque »
« A risque » surtout pour les autres, dès lors que l'automobiliste est au volant d'un engin qui tient davantage du char d'assaut que du moyen de locomotion.
Pour une fois, il n'est pas question du genre des victimes. Cela montre bien que la violence viriliste est aveugle : elle vise toutes celles et ceux qui semblent vulnérables face au pouvoir et à la force brute. Cette violence n'est d'ailleurs pas plus tolérable de la part des hommes que des femmes (36% des comportements dangereux observés sur la route).
Une étude menée par OpinionWay et révélée, jeudi, par France Inter et Le Parisien, indique que griller un feu rouge est le comportement à risque le plus fréquent.
Pendant 30 heures, le comportement de 9 000 véhicules a été observé dans cinq grandes villes : Paris, Lyon, Montpellier, Rennes et Metz.
Merci d'avoir pensé à moi. Comment souvent avec Hubert Guillaud, une recension très intéressante !
Texte intégral :
Le rapport sur la compétitivité et l'avenir de l'Europe remis par Mario Draghi à la Commission européenne le 9 septembre a eu le grand mérite de remettre en cause le dogme de l'austérité budgétaire et de souligner l’importance de la recherche, de l’innovation et de la formation pour juguler le décrochage économique, scientifique et technique de l’Europe et retrouver des perspectives florissantes. Pour autant, si ce rapport propose avec raison d’investir dans la formation, la santé, l’isolation thermique des bâtiments, les énergies décarbonées ou les grandes infrastructures de transports, il demeure attaché à une conception de la recherche et de l’Université frappée d’obsolescence, fondée sur la croyance économiciste en un marché total des chercheurs et des établissements.
Dans notre contexte de longue dépression économique, couplée aux crises climatique, démocratique, sanitaire et sociale, il importe de tirer le bilan des politiques publiques suivies en France depuis 20 ans en matière de formation et de recherche fondamentale et appliquée. Le Crédit d’Impôt Recherche (CIR) est une niche fiscale qui permet aux entreprises de déduire de leur impôt sur les sociétés 30% de dépenses qu’elles font apparaître dans leur bilan comme procédant de “recherche et développement” (R&D). En l’absence de contrôles sérieux et critériés, de multiples officines se sont spécialisées dans le maquillage de dépenses génériques en R&D et de cadres commerciaux en chercheurs et ingénieurs. Si le CIR a un effet très positif pour les microentreprises et les PME qui emploient des ingénieurs-chercheurs pour concevoir et produire de la haute technologie qui dispose de marchés de niche, il a toutefois un effet largement négatif sur la R&D des moyennes et grandes entreprises. Les rapports de l’OCDE, de la Cour des Comptes ou de France Stratégie ont montré que le CIR est avant tout un contournement des règlements européens sur les aides directes aux entreprises et n’a aucun effet ni sur l’emploi ni sur l’investissement en R&D. Les effets indirects sont en réalité bien pires, puisque en privant de financement la recherche publique et l’Université, le CIR détériore l’écosystème français de recherche et de formation. Si les entreprises continuent de délocaliser leur R&D en Asie du sud-est et, dans une moindre mesure, aux USA, c’est pour la qualité de leur écosystème et la dégradation du nôtre. Le décrochage du niveau scientifique et technique en France est alarmant, et le manque de culture scientifique de la classe politique en est le reflet. Les désastreuses réformes du lycée comme l'absence de politique ambitieuse de recrutement et formation des enseignants ont encore accéléré la débâcle.
Comment en sommes-nous arrivés là ? L’enseignement supérieur et la recherche ont connu deux décennies d’incessantes réformes structurelles théorisées par le rapport “Education et croissance” de MM. Aghion et Cohen, paru en 2004. Il reposait sur quelques postulats: (i) les financements de l’Université et de la recherche doivent êtres concentrés sur quelques établissements, qui ont vocation à assurer l’activité de recherche et donc d’innovation ; les autres, paupérisés, doivent graduellement être transformés en collèges universitaires en grande partie financés par des frais d’inscription dérégulés ; (ii) les universitaires et chercheurs doivent être mis en concurrence pour obtenir les budgets nécessaires à l’exercice de leur métier ; (iii) l’Etat doit accompagner l’essor d’un enseignement supérieur privé lucratif. Ce dernier volet a parfaitement réussi. Les moyens qui manquent au service public se retrouvent par exemple dans les 25 milliards € consacrés en pure perte à l’apprentissage et à l’alternance et captés par un secteur privé de piètre qualité. Pour le reste, ces croyances infondées ont engendré bureaucratisation, paupérisation, précarisation et participé au décrochage pointé par le rapport Draghi. Il en résulte une perte de sens pour l’Université, conçue pour produire, transmettre, conserver et critiquer les savoirs, et réformée au prétexte de produire de la croissance économique — avec un résultat à l’exact opposé des promesses de prospérité.
Concevoir un système d’Université et de recherche conforme aux défis du XXIème siècle suppose de se projeter à 10 ou 20 ans, dans une société profondément transformée, qui aurait triomphé des crises qui la frappent et qui ait retrouvé vitalité, espoir et envie d’ouvrir des horizons communs désirables.
- Dépasser la crise politique et instituer une démocratie effective suppose une formation à la citoyenneté permettant de faire vivre un espace public de pensée, de critique réciproque et de délibération. A quelles connaissances, y compris pratiques et techniques, voulons nous que l'École forme pour ce faire ?
- Surmonter la crise sociale nécessite de traduire les valeurs de la République — liberté, égalité, fraternité — en services publics d’éducation, de santé, de transports, de justice.
- Juguler les crises climatique et environnementale suppose d’organiser une production agricole, énergétique et industrielle locale, conforme aux besoins de la population. Ce nouvel aménagement du territoire implique un besoin massif de formation et de recherche mais aussi une organisation de l’Université et de la recherche en réseau, qui innerve le territoire.
Plafonner le CIR et le conditionner à l’emploi de docteurs en CDI et au paiement de l’impôt sur les sociétés — que moins d’un tiers des entreprises de recherche paient à ce jour — permettrait de financer en grande partie cette politique d’avenir.
Nous projeter dans un avenir meilleur suppose d’une part de comprendre le monde au plus juste et au plus vrai et d’autre part de témoigner d’une attention et d’une confiance dans la jeunesse qui passent par sa formation intellectuelle et pratique et par les conditions matérielles de son émancipation. Mener une politique d’austérité pour l’Université et la recherche serait priver la société d’avenir.---
TRIBUNE. Un collectif de plus de deux mille universitaires et chercheurs dénonce, dans une tribune au « Monde », deux décennies d’errance dans l’enseignement supérieur et la recherche, qui ont conduit à un décrochage économique, scientifique et technique de la France.
Un collectif de plus de deux mille universitaires et chercheurs dénonce, dans une tribune au « Monde », deux décennies d’errance dans l’enseignement supérieur et la recherche, qui ont conduit à un décrochage économique, scientifique et technique de la France.
Extrait :
Interrogé sur son outil préféré dans le domaine de l’IA, Hinton a dit qu’il était un fervent utilisateur de ChatGPT, tout en admettant qu’il était préoccupé par les répercussions de cette technologie.
« Dans les mêmes circonstances, je referais la même chose (sa recherche, NDLR). Mais je crains que la conséquence globale de tout cela ne soit des systèmes plus intelligents que nous qui finissent par prendre le contrôle », a ajouté le chercheur.
Grâce à leurs travaux, l’humanité a maintenant un nouvel instrument dans sa boîte à outils, « que nous pouvons choisir d’utiliser à de bonnes fins », a souligné le comité.
La manière dont ces travaux seront utilisés à l’avenir dépendra « de la manière dont nous, les humains, choisirons d’utiliser ces outils incroyablement puissants, déjà présents dans de nombreux aspects de nos vies ».
Décernés depuis 1901, les prix Nobel distinguent les personnes qui ont œuvré pour « le bienfait de l’humanité », conformément au vœu de leur créateur, l’inventeur suédois Alfred Nobel.
Quand un père des IA génératives et le comité du Nobel pataugent en plein impensé numérique : peurs irrationnelles, promesses de bienfaits hypothétiques, prophéties autoréalisatrices. Ou comment affirmer "en creux" la puissance des techniques, tout en empêchant toute discussion politique sur les valeurs et les objectifs qui les portent.
Tant que l'on développera des techniques sans les adosser à des connaissances quant à leur place et leur impact dans les sociétés, on ne devrait pas parler de technologie.
L'état des lieux est assez juste, mais je déplore également le ton décliniste de l'article.
C'est comme les articles sur les catastrophes climatiques qui ne rappellent pas que des perspectives existent et qu'il est urgent d'agir.
Ce type de papier attise le désespoir :
- désespérant pour les personnes qui n'y connaissent pas grand chose parce qu'elles ne voient pas comment faire autrement que continuer comme avant,
- désespérant pour les personnes qui se démènent pour que ça change, à qui on semble dire que c'est peine perdue et que cela ne vaut même pas la peine de parler d'elles.
ANALYSE. Après vingt ans de domination des grands réseaux sociaux, nos usages du Web ont changé. Les internautes se réfugient dans des cocons privés, reléguant les grandes plateformes à des lieux de divertissement plus que de conversation, où peine à subsister une culture commune.
Morgane Tual : Après vingt ans de domination des grands réseaux sociaux, nos usages du Web ont changé. Les internautes se réfugient dans des cocons privés, reléguant les grandes plateformes à des lieux de divertissement plus que de conversation, où peine à subsister une culture commune.
J'approuve à 100% ton analyse !
Tournesol est une excellente initiative !
Mais force est de constater que :
- Les règles du jeu actuelles font la part belle aux grandes plateformes extractivistes, dont le modèle économique reste florissant tandis que les initiatives comme Tournesol doivent bidouiller et dépendent des dons pour trouver les moyens de subsister.
- Le soutien institutionnel reste très modeste : il suffit de constater combien de nos institutions continuent d'afficher fièrement les petits logos des grandes plateformes sur leurs supports de communication (cela m'a toujours fait penser aux pastilles "vu à la télé" des catalogues de mon enfance).
Que faire en attendant un hypothétique dégroupage des réseaux sociaux ?
Le Conseil National du Numerique (CNNum) défend l'idée que la recommandation algorithmique (aujourd'hui dictée par les plateformes elles-mêmes) soit ouverte à d'autres acteurs, dans l'espoir que la concurrence tire la qualité vers le haut.
Problème : Maria Luisa Stasi observe « il est également possible que les nouveaux fournisseurs de services de recommandation de contenus se contentent de reproduire le même modèle économique des grandes plateformes de réseaux sociaux, au lieu de promouvoir des modèles diversifiés, innovants et plus respectueux des droits humains. »
Selon elle, 3 facteurs pourraient « fortement minimiser ce risque » :
- Fixer des règles du jeu claires pour tous les acteurs, ce qui découragerait les modèles extractifs et encouragerait la diversité.
- Faciliter et soutenir les initiatives émanant de la société civile, du monde universitaire ou d’autres acteurs à but non lucratif.
- Soutenir l’adoption de systèmes de recommandation de contenus alternatifs et orientés vers l’intérêt public.
Ne faudrait-il pas commencer par là ? Sans attendre une hypothétique obligation d’ouverture à l’interopérabilité qui mettra des années à se concrétiser…
En l’état actuel des choses :
- Les règles du jeu permettent à des services délétères de prospérer sur la captation d’attention et de données.
- Le soutien aux initiatives de la société civile ou du monde universitaire est quasi-nul dans un environnement où tous les efforts sont concentrés sur le modèle "startup", les objectifs de rentabilité et de croissance rapide.
- On ne peut pas parler de soutien à l’adoption d’alternatives alors que nos politiques et nos institutions s’ingénient à communiquer en priorité via les grandes plateformes incriminées, légitimant ainsi leur position dominante.
Alors, on commence par où ?
À l’occasion de la Journée internationale de l’accès universel à l’information, l’Observatoire publie un appel de 150 chercheurs issus de 41 pays pour alerter contre les menaces et pressions croissantes auxquels […]
À l’occasion de la Journée internationale de l’accès universel à l’information, l’Observatoire international du Forum sur l'Information et la Démocratie publie un appel de 150 chercheurs issus de 41 pays pour alerter contre les menaces et pressions croissantes auxquels sont confrontés ceux qui étudient la désinformation.
Nous exhortons les gouvernements à créer un cadre qui garantisse une recherche sûre, indépendante et accessible sur les causes profondes et les menaces que la désinformation fait peser sur nos démocraties.
Suite à un échange avec @keepthepace@slrpnk.net dans la foulée d'un post de @Klaqos@sh.itjust.works, je me dis que ce retour d'expérience peut intéresser quelques personnes ici.
Je suis enseignant-chercheur en Sciences de l'Information et de la Communication. De mars 2023 et jusqu'à début mai 2024, j'ai présidé une startup issue de mes recherches (Profluens), afin de pérenniser un projet qui m'occupe de longue date (Needle.social). De cette expérience, je retiens 2 ou 3 choses que j'aimerais partager avec vous.
L'idée de Needle a germé fin 2015
- 6 mois avant que n'éclate le scandale Cambridge Analytica,
- 2 ans avant que Donald Trump ne popularise l'expression de "fake news".
Déjà, j'étais préoccupé par l'évolution de notre environnement médiatique face à la montée en puissance des réseaux sociaux. C'est pourquoi j'ai imaginé une autre manière de partager et de faire circuler des informations et des contenus. Autant dire qu'il n'y avait ni débouché économique, ni même de demande sociétale pour cette invention qui fait le pari de ne pas capter notre attention.
Ce "carnet" répertorie les temps fort du projet Needle.
Que retenir de mon année comme PDG d'une startup ?
Pour moi, créer une entreprise n'a jamais été une fin. Avec le temps, je me suis tourné vers ce véhicule économique faute d'autre option pour faire sortir mon invention du labo.
Ce que je sais aujourd'hui :
- Mon invention n'avait pas atteint une maturité suffisante lorsque nous avons créé Profluens en mars 2023. Créer une entreprise était pourtant la seule piste disponible pour poursuivre les développements initiés avec les moyens du bord au Centre de recherche sur les médiations. En effet, comme la plupart des laboratoires de sciences humaines et sociales, mon unité de recherche ne dispose pas de postes pérennes en ingénierie logicielle.
- Needle représente un défi technique sous son apparente simplicité. Il ne s'agit pas seulement d'assembler des briques existantes pour bricoler une expérience utilisateur différente. Il s'agit de développer une technologie selon un paradigme tout à fait différent de celui qui préside aux plateformes qui dominent nos pratiques médiatiques contemporaines.
- La réussite de Needle dépend de la poursuite patiente et sincère de nos efforts pour susciter la découverte des contenus qui le méritent. Je reste convaincu que la réponse aux grands défis collectifs (environnement, santé, éducation, démocratie...) réside dans notre capacité à imaginer des réponses aussi riches et variées que les informations, les créations et les idées qui nous rassemblent.
- Il est indispensable d'associer les bénéficiaires de Needle aux décisions qui les concernent. En effet, tout repose sur la dissémination d'un service gratuit digne de confiance. C'est un vaste chantier qui reste à entreprendre et qui ne doit pas reposer sur les seule épaules d'une entreprise privée quelle qu'elle soit.
Et maintenant ?
Afin de préserver les finances de Profluens, je suis revenu à mes fonctions d'enseignant-chercheur à l'Université de Lorraine. Dans le cadre d'une autorisation de concours scientifique, je continue d'apporter mes conseils à Profluens quant à l'évolution de Needle et aux enjeux info-communicationnels qu'implique le projet. Toujours concentré sur les développements informatiques, c'est le directeur technique qui a pris le flambeau en tant que Président.
Autant dire que nous rêverions d'être rejoints par une personne plus compétente que nous pour piloter la restructuration et l'animation du projet sous forme d'une société coopérative. En attendant, les développements se poursuivent pour parvenir à une version pleinement fonctionnelle et décentralisée qui pourra (enfin) faire l'objet d'une publication open source.
J'ai une affection particulière pour ce petit monde de la bande dessinée qui souffre de longue date de précarisation et de paupérisation de ses auteurs et (davantage encore) autrices.
Sans elles, sans eux, nos imaginaires seraient encore plus étiolés. La bande dessinée est un des rares modes d'expression individuelle qui permette de développer des univers et des récits à même de rivaliser avec les productions formatées des mastodontes de l'audiovisuel.
Je ne peux que vous engager à entendre leur appel.
Billet à retrouver également sur l’humanité.fr. Au lendemain des élections européennes de 2024 et de l’annonce de la dissolution de l’Assemblée Nationale par le président de la République française, le pays fut plongé dans une période d’instabilité politique profonde. Le Rassemblement National (RN) ...
>Si le RN reste malgré tout en tête dans 55 % des circonscriptions et semble bien placé pour remporter les élections législatives qui se profilent, c’est sans compter sur le fait que les résultats électoraux sont le reflet de dynamiques politiques et sociales et non un simple bilan comptable. > >Aussi proposons-nous une variante de la carte précédente où nous représentons en jaune les circonscriptions dans lesquelles l’écart de voix entre le NFP et son principal adversaire est de moins de 5 %. En d’autres termes, les circonscriptions électorales où rien n’est joué. > > Dans cette configuration, 18 % des circonscriptions semblent très indécises et le RN ne semble plus en position de force que dans 45 % des cas – ce qui est déjà beaucoup trop. Rien n’est cependant joué.
Depuis plusieurs années, nous publions régulièrement (tant que faire se peut du moins !) des articles témoignant de la dégafamisation de structures associatives ou relevant de l'économie sociale et solidaire. Dans le cadre du lancement de emancipasso.org, notre nouvelle initiative pour accompagner l...
publication croisée depuis : https://lemmy.world/post/13074836
> XR France à propos de ses choix en matière d'outils numériques : > > >Utiliser les GAFAM ou des logiciels propriétaires dans nos luttes, c’est se déposséder de nos outils de lutte. Être soumis à des outils qui ne visent pas le succès de nos luttes, mais leur rentabilité. > > Les solutions des GAFAM ne sont meilleures que tant qu'on les prend comme référence : > > >Il ne faut pas chercher un logiciel libre comme une alternative à un logiciel propriétaire, mais plutôt chercher un logiciel libre pour répondre à un besoin. > > Là où le bât blesse, c'est lorsqu'il s'agit de médiatiser : > > >Réseaux sociaux : On reste chez les GAFAM car c’est essentiel pour notre audience. > > Comment en sortir ?
Depuis plusieurs années, nous publions régulièrement (tant que faire se peut du moins !) des articles témoignant de la dégafamisation de structures associatives ou relevant de l'économie sociale et solidaire. Dans le cadre du lancement de emancipasso.org, notre nouvelle initiative pour accompagner l...
XR France à propos de ses choix en matière d'outils numériques :
>Utiliser les GAFAM ou des logiciels propriétaires dans nos luttes, c’est se déposséder de nos outils de lutte. Être soumis à des outils qui ne visent pas le succès de nos luttes, mais leur rentabilité.
Les solutions des GAFAM ne sont meilleures que tant qu'on les prend comme référence :
>Il ne faut pas chercher un logiciel libre comme une alternative à un logiciel propriétaire, mais plutôt chercher un logiciel libre pour répondre à un besoin.
Là où le bât blesse, c'est lorsqu'il s'agit de médiatiser :
>Réseaux sociaux : On reste chez les GAFAM car c’est essentiel pour notre audience.
Comment en sortir ?
L'histoire d'un groupe "d'annotatrices" qui entraînent un programme d'IA sur un programme d'anonymisation automatique des décisions de justice qui doivent maintenant être accessibles à tous.
publication croisée depuis : https://lemmy.world/post/11075122
> Émission de Xavier de la Porte, autour de la thèse de sociologie de Camille Girard-Chanudet. > > Passionnante plongée dans le quotidien d'une équipe d'annotatrices pour entrainer un algorithme d'anonymisation de décisions de justice : > > On perçoit à quel point les catégories d'annotation pèsent lourd, et combien il est crucial que l'annotation humaine se place dans une perspective d'intelligence collective. > > Derrière un imaginaire peuplé d’androïdes rutilantes se cachent les petites mains qui annotent patiemment les données. Un travail sans fin, car le réel sans cesse changeant échappe à l'automatisation. > > La thèse de sociologie de Camille Girard-Chanudet éclaire les rouages du deep learning : au palais de justices, des travailleuses de catégorie C travaillent avec application à annoter les données pour un algorithme d'anonymisation des décisions de justice destinées (entre autres) aux startups des legal techs. > > L'émission de Xavier de La Porte révèle l'ampleur des collaborations humaines encapsulées dans les machines que l'on voudrait nous présenter comme intelligentes. C'est une myriade de décisions qui conduisent à définir des catégories réductrices pour saisir le réel. Ces catégories s'imposent silencieusement - d'abord aux travailleuses et travailleurs du clics, puis aux utilisatrices et utilisateurs des services d'IA. > > Toutefois, à la différence de la majeure partie du "digital labor" étudié par Antonio A. Casilli et ses collègues du programme Panoptiwork, cet exemple démontre qu'il est possible de mobiliser l'IA dans une perspective d'intelligence collective. > > L'intelligence collective, c'est "la mise en commun de la réflexivité afin de finaliser une action qui ne pourrait pas l'être par une seule personne" (Samuel Szoniecky et Nasreddine Bouhaï). Cette mise en commun n'est possible qu'au prix de contraintes destinées à rendre le travail interopérable. Ainsi, l'activité des annotatrices du Palais de Justice est cadrée par des catégories, mais leur position pérenne leur permet d'interroger et de faire évoluer ces catégories. > > Les grands modèles de NLP sur lesquels s'appuient de telles applications restent ceux que des entreprises privées daignent partager en open source. Ils ne sont pas entrainés dans des conditions aussi idylliques, loin de là. Est-ce tolérable ? > >
L'histoire d'un groupe "d'annotatrices" qui entraînent un programme d'IA sur un programme d'anonymisation automatique des décisions de justice qui doivent maintenant être accessibles à tous.
Émission de Xavier de la Porte, autour de la thèse de sociologie de Camille Girard-Chanudet.
Passionnante plongée dans le quotidien d'une équipe d'annotatrices pour entrainer un algorithme d'anonymisation de décisions de justice :
On perçoit à quel point les catégories d'annotation pèsent lourd, et combien il est crucial que l'annotation humaine se place dans une perspective d'intelligence collective.
Derrière un imaginaire peuplé d’androïdes rutilantes se cachent les petites mains qui annotent patiemment les données. Un travail sans fin, car le réel sans cesse changeant échappe à l'automatisation.
La thèse de sociologie de Camille Girard-Chanudet éclaire les rouages du deep learning : au palais de justices, des travailleuses de catégorie C travaillent avec application à annoter les données pour un algorithme d'anonymisation des décisions de justice destinées (entre autres) aux startups des legal techs.
L'émission de Xavier de La Porte révèle l'ampleur des collaborations humaines encapsulées dans les machines que l'on voudrait nous présenter comme intelligentes. C'est une myriade de décisions qui conduisent à définir des catégories réductrices pour saisir le réel. Ces catégories s'imposent silencieusement - d'abord aux travailleuses et travailleurs du clics, puis aux utilisatrices et utilisateurs des services d'IA.
Toutefois, à la différence de la majeure partie du "digital labor" étudié par Antonio A. Casilli et ses collègues du programme Panoptiwork, cet exemple démontre qu'il est possible de mobiliser l'IA dans une perspective d'intelligence collective.
L'intelligence collective, c'est "la mise en commun de la réflexivité afin de finaliser une action qui ne pourrait pas l'être par une seule personne" (Samuel Szoniecky et Nasreddine Bouhaï). Cette mise en commun n'est possible qu'au prix de contraintes destinées à rendre le travail interopérable. Ainsi, l'activité des annotatrices du Palais de Justice est cadrée par des catégories, mais leur position pérenne leur permet d'interroger et de faire évoluer ces catégories.
Les grands modèles de NLP sur lesquels s'appuient de telles applications restent ceux que des entreprises privées daignent partager en open source. Ils ne sont pas entrainés dans des conditions aussi idylliques, loin de là. Est-ce tolérable ?
A l’ère de l’infobésité, la promesse de débloquer un site d’information « en illimité » est-elle toujours pertinente ? Un autre modèle semble nécessaire pour convaincre davantage de citoyens de payer pour un site d’information généraliste.
L'article suggère que le modèle d'abonnement illimité à un titre de presse atteint ses limites à cause de la surcharge informationnelle. Il y aurait un paradoxe à baser l'offre de presse sur l'accès illimité alors que nous souffrons d'infobésité.
Je pense également que choisir un unique titre de presse auquel s'abonner va à l'encontre d'une idée bien ancrée dans les esprits : pour être bien informé, il faut croiser ses sources.
Le gros consommateur d'information s'abonne et soutient un titre d'élection. Mais il recoupe aussi ses informations avec des émissions de radio, des revues long format, etc. Le public CSP+ bénéficie bien souvent de l'accès à une base de presse dans le cadre professionnel. Les retraités ont le temps de profiter des offres des médiathèques.
Pour le grand public qu'évoque l'article de Maxime Loisel, l'exigence de recouper son information se traduit par une forme de paralysie. Afin de ne pas être victime du point de vue unique d'un titre que l'on ne fera que survoler, le réflexe consiste à s'en remettre à l'information partagée sur les réseaux sociaux - en complément du journal télévisé. En plus d'être gratuite et exposée sous une forme addictive, l'info des réseaux sociaux est adressée par l'entourage.
Dans le même mouvement, toute une frange de la population se retrouve à la merci des choix éditoriaux d'algorithmes conçus pour maximiser l'engagement et le recueil de données sans aucune considération pour la pertinence ou même la véracité.
C'est pourquoi il me semble qu'un format mono-éditeur plus digeste tel que le propose Maxime Loisel (à l'image de La Matinale Le Monde) ne suffira pas à réconcilier le grand public avec l'abonnement de presse. Trop inquiets de partager leurs audiences, les éditeurs de presse scient la branche sur laquelle ils sont assises : maintenir son lectorat derrière un mur d'abonnement est antithétique avec la prétention à l'informer.
Le projet Needle (né à l'Université de Lorraine et que je porte aujourd'hui via Profluens) part de la conviction que nous avons besoin d'inventer d'autres manières l'accéder et de partager de l'information. S'agissant de l'info en ligne, toute la question est de savoir comment lui faire bénéficier de cette innovation, presque "malgré elle".
Et si le lectorat s'attachait d'autant plus à son média d'élection, que ce dernier sait l'ouvrir à d'autres horizons, y compris en dehors de ses propres colonnes ?
Utilisation des réseaux sociaux, s'informer sur les nouvelles et actualités et l'écoute de balados (podcast)
Utiliser un réseau social public, indépendant et dont les algorithmes seraient définis selon des règles éthiques de haut niveau qui ferait circuler l’information tout en versant des redevances à tous les médias ?
50% des adultes québecois sont partants d'après une étude de l'Université de Laval.
Cette proportion est de 66 % chez les 18 à 34 ans et de 57 % chez l'ensemble des adultes utilisant déjà des réseaux sociaux.
Nouez des relations autour des pages web que vous partagez. Découvrez des contenus que vous n'auriez pas pensé à chercher sur un moteur de recherche et que vos contacts ne partagent pas sur les réseaux sociaux. Avec la navigation contributive, diversifiez votre information avec des ressources de qua...
J'avais évoqué Needle dans un article partagé il y a quelques temps sur !france@jlai.lu (https://lemmy.world/post/7060790). @Snoopy@jlai.lu m'avait encouragé à y consacrer un post.
C'est le moment, avec l'ouverture de la toute première instance publique de notre plateforme de découverte et de mise en relation : https://needle.social
Sur Needle vous pouvez :
- Créer votre propre Fil
- Ajouter des Fiches pour toutes les pages web qui comptent pour vous
- Croiser les personnes qui ont des Fiches en commun avec vous
- Collaborer à des Carnets thématiques
La mise en production de cette instance est une étape importante dans un projet qui a germé il y a bientôt 8 ans. Au fil des ans, il s'est avéré nécessaire de sortir du giron universitaire pour pérenniser et développer Needle. C'est pourquoi needle.social est éditée par la société Profluens. Cette start-up est l'aboutissement d'un programme d'innovation et de maturation porté par l'Université de Lorraine avec le soutien du Ministère de la Culture.
Depuis le départ, l'ambition est de bâtir un bien commun dont la valeur réside dans la qualité de ce que nous partagerons, pas dans la quantité des données que d'autres nous extorquent. Pas de publicité donc, et un traitement des données ultra-respectueux puisque les seules données recueillies sont issues de la contribution des utilisateurs.
Pour les pro et les organisations, Profluens commercialise des fonctionnalités spécifiques qui permettent de réunir ses propres communautés autour de Carnets à sa mesure. moyen simple pour partager des ressources numériques, animer un collectif ou collecter des suggestions autour d'un thème.
Sur le plan technique, j'ai toujours voulu que Needle s'inscrive dans une approche distribuée ou fédérée. Cela a été très coûteux, car les technologies n'étaient pas mûres (Mastodon est arrivé alors qu'on travaillait sur la toute première version). Surtout, je réalise que les approches telles que ActivityPub ou Solid sont plutôt pensées dans une perspective où on sait ce que l'on cherche et ce que l'on fédère. Or avec Needle, nous cherchons à mettre en évidence les "croisements" sur l'ensemble du réseau fédéré. C'est donc toujours un challenge aujourd'hui.
Encore inconnue il y a quelques mois, la plate-forme, actuellement en phase de test, attire de plus en plus d’utilisateurs fatigués par le manque de modération de X (anciennement Twitter).
Guère convaincus par Mastodon, les journalistes commencent à regarder du côté de Bluesky... Je ne suis pas vraiment tranquille.
Dans l'hypothèse où un clone de Twitter venait à émerger, qu'est ce qui nous prémunirait d'y observer le même effet d'emballement entre :
- des politiques qui rivalisent de "petites phrases"
- des journalistes qui les reproduisent dans leurs articles Le tout au détriment des argumentaires, raisonnements et analyses nécessaires au débat public ?
Qu'est ce qui nous prémunirait de voir ensuite arriver les militants, lobbyistes et communicants de tous poils, attirés par cette chambre d'écho (ou de diversion) pour leurs sujets ?
Twitter m'est tombé des mains à chaque fois que j'ai essayé : je ne me fais pas à cette logique des gazouillis perpétuels. Ce ne serait pas gênant si ces gazouillis n'avait pas contaminé nos espaces d'information : on a beau circuler à vélo, on doit tout de même respirer les gaz d'échappement.
Certes, la sur-médiatisation des petites phrases n'a pas attendu Twitter. Mais avec Twitter, on a tout de même franchi un cap considérable.
Sept stratégies dans les discours autour de l’IA, qui nous empêchent de débattre des implications politiques de nos technologies.
Dans cet article que je cosigne avec Pascal Robert, nous exposons les grandes lignes de ce qu'il appelle "l'impensé numérique" et de ses corolaires : gestionarisation et glissement de la prérogative politique. Le concept d’« impensé » désigne les stratégies discursives par lesquelles la technologie est présentée comme une évidence. L'article propose sept marqueurs discursifs pour repérer l’impensé numérique.
Nous sommes frappés de constater que, bientôt 30 ans après les premiers travaux de Pascal Robert, la presse véhicule toujours autant d'impensé autour de la technique. Exemple récent avec le traitement médiatique de la lettre ouverte dans laquelle Elon Musk et tout un tas "d'experts" appelaient à une pause dans l'entrainement des grands modèles d'IA.
Cet article s'ouvre sur la présentation de Needle, une plateforme numérique issue de mes travaux : https://needle.univ-lorraine.fr Comme quoi, on peut critiquer le numérique sans préconiser le retour à la lampe à huile.
Maître de conférences en sciences de l'information et de la communication (Crem, Université de Lorraine).
- Chez moi : https://julien.falgas.fr
- Inventeur de Needle.social
- Président · cofondateur de Profluens.com